[article]
Titre : |
École thématique du CNRS : « Biodiversité : quelles interactions entre sciences de la vie et sciences de l'homme et de la société ? » |
Type de document : |
Article |
Auteurs : |
Raphaël Larrère ; Jacques Lepart ; Pascal Marty ; Franck-Dominique Vivien |
Article en page(s) : |
p. 304-314 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
[Thesagri] biodiversité [Thesagri] sciences sociales
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Note de contenu : |
À l'initiative du Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive (UMR 5175 CNRS), cette école thématique du CNRS a été co-organisée par les départements des Sciences de la vie (SDV) et des Sciences de l'homme et de la société (SHS)1 avec un triple objectif : le partage d'informations en ce qui concerne les objets de recherche, les théories et les pratiques des chercheurs de diverses disciplines impliqués dans les questions relatives à la biodiversité ; des clarifications conceptuelles en ce qui concerne le terme « biodiversité » et les notions qui lui sont associées ; la recherche d'axes de coopération interdisciplinaire, tant à l'intérieur des secteurs des SDV et des SHS qu'entre eux. Les interventions (cf. encadré, 2) et discussions peuvent être regroupées autour de trois ensembles de questions : que désigne-t-on par « biodiversité » ? Pourquoi vouloir la protéger ? Et, le cas échéant, comment procéder pour ce faire ?
Quid de la biodiversité ?
On doit d'abord s'interroger sur le terme « biodiversité » lui-même en notant, comme l'a fait A. Micoud, qu'il s'inscrit simultanément dans trois registres de discours : rhétorique, conceptuel et institutionnel. En tant que figure de style, la diversité biologique renvoie à des « images parlantes » –– qui peuvent être des dessins, des photos, des logos, etc. –– et à cette « belle et bonne prolificité » de la vie qui ne peut nous laisser indifférents. Depuis fort longtemps, les hommes sont fascinés par la diversité des formes et des manifestations de la vie. On trouve trace de cet intérêt dans les uvres de Théophraste, de Pline l'Ancien (P. Arnould) ou dans des traditions asiatiques plus anciennes encore (textes védiques de l'Inde).
Le concept scientifique, quant à lui, donne lieu à débats. Les chercheurs en SDV (D. McKey, J. Lepart, W. Thuiller) ont souligné la difficulté d'en donner une définition précise. Au-delà d'une première acception qui fait de la diversité biologique, la variété de la vie, on l'appréhende généralement à différents niveaux d'organisation du vivant : diversité génétique des populations, diversité spécifique des groupes fonctionnels et/ou des écosystèmes, diversité fonctionnelle des systèmes écologiques et des paysages (mosaïques d'écosystèmes). Le fait de se concentrer sur un de ces niveaux d'organisation ne rend pas le travail de définition plus aisé. La notion d'espèce fait aussi l'objet de plusieurs définitions possibles. Enfin, cette question supposée résolue, il reste des difficultés pratiques considérables simplement pour inventorier ces espèces : certains groupes (arthropodes, champignons, bactéries...) et certains biotopes (canopée, sol...) étant particulièrement mal connus, les estimations globales du nombre d'espèces vivant actuellement sur terre vont ainsi de 3 à 30 millions. La diversité peut être mesurée de plusieurs façons : par de multiples indicateurs (entre autres, l'ensemble, le nombre, l'abondance relative des espèces présentes) ; à différents niveaux (infraspécifique, inter ou intra-habitat, paysages) ; de différents points de vue (regroupements fonctionnels, contribution d'un territoire à la diversité globale). De ce fait, toute généralisation sur ses évolutions est difficile. Malgré tout, la mesure de son érosion commence à être assez bien documentée (surtout en ce qui concerne la diversité spécifique). Les critères de désignation et les données sur lesquels reposent les listes d'espèces rares ou menacées qui sont proposées à différents niveaux territoriaux (Europe, France, régions), s'affinent. Le constat de disparition ou de raréfaction de nombreuses espèces est fait. La diminution de la superficie ou la dégradation d'habitats particulièrement riches (notamment en région tropicale) rend aussi prévisible la disparition d'une proportion importante des espèces qui s'y trouvent. La pression anthropique est presque toujours un élément déterminant. Elle a d'ailleurs des effets contrastés : ainsi, en région méditerranéenne, huit millénaires de très forte anthropisation des paysages ont abouti à la disparition d'espèces, mais ont aussi provoqué la dissémination d'une flore et d'une faune adaptées aux perturbations humaines, que la reforestation actuelle vient même parfois menacer.
En tant que catégorie institutionnelle enfin, la biodiversité est présente dans les textes des organes de négociation, de décision et d'information (Convention sur la Diversité Biologique, réseau paneuropéen, Directive Habitats et réseau Natura 2000, Directive cadre sur l'eau...) ou de recherche (comme l'Institut Français de la Biodiversité qu'a présenté J. Blondel) qui la prennent aujourd'hui en charge dans les politiques publiques. |
in Natures Sciences Sociétés > Vol. 11, n°3 [01/01/2003] . - p. 304-314
[article] École thématique du CNRS : « Biodiversité : quelles interactions entre sciences de la vie et sciences de l'homme et de la société ? » [Article] / Raphaël Larrère ; Jacques Lepart ; Pascal Marty ; Franck-Dominique Vivien . - p. 304-314. Langues : Français ( fre) in Natures Sciences Sociétés > Vol. 11, n°3 [01/01/2003] . - p. 304-314
Catégories : |
[Thesagri] biodiversité [Thesagri] sciences sociales
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Note de contenu : |
À l'initiative du Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive (UMR 5175 CNRS), cette école thématique du CNRS a été co-organisée par les départements des Sciences de la vie (SDV) et des Sciences de l'homme et de la société (SHS)1 avec un triple objectif : le partage d'informations en ce qui concerne les objets de recherche, les théories et les pratiques des chercheurs de diverses disciplines impliqués dans les questions relatives à la biodiversité ; des clarifications conceptuelles en ce qui concerne le terme « biodiversité » et les notions qui lui sont associées ; la recherche d'axes de coopération interdisciplinaire, tant à l'intérieur des secteurs des SDV et des SHS qu'entre eux. Les interventions (cf. encadré, 2) et discussions peuvent être regroupées autour de trois ensembles de questions : que désigne-t-on par « biodiversité » ? Pourquoi vouloir la protéger ? Et, le cas échéant, comment procéder pour ce faire ?
Quid de la biodiversité ?
On doit d'abord s'interroger sur le terme « biodiversité » lui-même en notant, comme l'a fait A. Micoud, qu'il s'inscrit simultanément dans trois registres de discours : rhétorique, conceptuel et institutionnel. En tant que figure de style, la diversité biologique renvoie à des « images parlantes » –– qui peuvent être des dessins, des photos, des logos, etc. –– et à cette « belle et bonne prolificité » de la vie qui ne peut nous laisser indifférents. Depuis fort longtemps, les hommes sont fascinés par la diversité des formes et des manifestations de la vie. On trouve trace de cet intérêt dans les uvres de Théophraste, de Pline l'Ancien (P. Arnould) ou dans des traditions asiatiques plus anciennes encore (textes védiques de l'Inde).
Le concept scientifique, quant à lui, donne lieu à débats. Les chercheurs en SDV (D. McKey, J. Lepart, W. Thuiller) ont souligné la difficulté d'en donner une définition précise. Au-delà d'une première acception qui fait de la diversité biologique, la variété de la vie, on l'appréhende généralement à différents niveaux d'organisation du vivant : diversité génétique des populations, diversité spécifique des groupes fonctionnels et/ou des écosystèmes, diversité fonctionnelle des systèmes écologiques et des paysages (mosaïques d'écosystèmes). Le fait de se concentrer sur un de ces niveaux d'organisation ne rend pas le travail de définition plus aisé. La notion d'espèce fait aussi l'objet de plusieurs définitions possibles. Enfin, cette question supposée résolue, il reste des difficultés pratiques considérables simplement pour inventorier ces espèces : certains groupes (arthropodes, champignons, bactéries...) et certains biotopes (canopée, sol...) étant particulièrement mal connus, les estimations globales du nombre d'espèces vivant actuellement sur terre vont ainsi de 3 à 30 millions. La diversité peut être mesurée de plusieurs façons : par de multiples indicateurs (entre autres, l'ensemble, le nombre, l'abondance relative des espèces présentes) ; à différents niveaux (infraspécifique, inter ou intra-habitat, paysages) ; de différents points de vue (regroupements fonctionnels, contribution d'un territoire à la diversité globale). De ce fait, toute généralisation sur ses évolutions est difficile. Malgré tout, la mesure de son érosion commence à être assez bien documentée (surtout en ce qui concerne la diversité spécifique). Les critères de désignation et les données sur lesquels reposent les listes d'espèces rares ou menacées qui sont proposées à différents niveaux territoriaux (Europe, France, régions), s'affinent. Le constat de disparition ou de raréfaction de nombreuses espèces est fait. La diminution de la superficie ou la dégradation d'habitats particulièrement riches (notamment en région tropicale) rend aussi prévisible la disparition d'une proportion importante des espèces qui s'y trouvent. La pression anthropique est presque toujours un élément déterminant. Elle a d'ailleurs des effets contrastés : ainsi, en région méditerranéenne, huit millénaires de très forte anthropisation des paysages ont abouti à la disparition d'espèces, mais ont aussi provoqué la dissémination d'une flore et d'une faune adaptées aux perturbations humaines, que la reforestation actuelle vient même parfois menacer.
En tant que catégorie institutionnelle enfin, la biodiversité est présente dans les textes des organes de négociation, de décision et d'information (Convention sur la Diversité Biologique, réseau paneuropéen, Directive Habitats et réseau Natura 2000, Directive cadre sur l'eau...) ou de recherche (comme l'Institut Français de la Biodiversité qu'a présenté J. Blondel) qui la prennent aujourd'hui en charge dans les politiques publiques. |
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